Environ 127 000 personnes décèdent chaque année en Allemagne des conséquences de leur tabagisme. En dépit de ses engagements et obligations internationales en ratifiant la Convention-Cadre de l’OMS il y a plus de 15 ans, la situation ne s’améliore pas. En mai 2021, plus de 50 organisations de santé publique et de la société civile ont publié la « Stratégie pour une Allemagne sans tabac 2040 »[1]. Il s’agit d’un appel au gouvernement à mettre en œuvre des mesures de lutte antitabac qui visent à une génération sans tabac d’ici 2040.

L’objectif d’une Allemagne sans tabac signifie que moins de 5% des adultes de plus de 18 ans et moins de 2% des adolescents consomment des produits du tabac et de la nicotine d’ici 2040. Le document de stratégie énonce dix mesures concrètes de lutte antitabac et fournit un calendrier pour leur mise en œuvre.

Le fardeau du tabagisme en Allemagne

Le pays est à la dernière place du classement européen des politiques de lutte antitabac portant sur 36 pays[2]: aucun autre pays européen ne fait moins pour réduire la consommation de tabac et mettre en œuvre les mesures éprouvées de la CCLAT. Ainsi les taxes sur le tabac n’ont pas été augmentées de façon significative et efficace depuis 2007, aucune législation globale ne concerne les espaces sans tabac/fumée et les lois appliquées comportent des exemptions importantes ; L’Allemagne est également longtemps resté le seul pays de l’UE autorisant la publicité pour le tabac par panneaux d’affichage.

Le besoin d’une politique publique efficace en matière de lutte contre le tabagisme est d’autant plus indispensable que le pays est l’un des dix pays au monde comptant le plus grand nombre de fumeurs. Plus d’un Allemand sur cinq, âgé de plus de 18 ans, est fumeur (23% de la population). Des différences notables sont observées entre les différents Länder (21% en Sarre et 28% dans le Mecklembourg-Poméranie-Occidentale). Chaque année, le tabagisme est à l’origine de 85 000 cas de cancer et de 127 000 décès en Allemagne, cela correspond à un décès toutes les quatre minutes.  Outre le coût sanitaire et social car la consommation de tabac concerne notamment les plus démunis, le coût du tabac pour la société allemande a été évalué à 97 milliards d’euros par an. Enfin, il entrave les objectifs du développement durable.

Un arsenal de 10 mesures pour parvenir à une génération sans tabac et sans nicotine

La stratégie repose sur les dispositions qui ont prouvé leur efficacité, réunies dans la Convention-Cadre de l’OMS :

1. Augmenter significativement les taxes sur le tabac chaque année : Les augmentations des taxes sur le tabac, qui entraînent une hausse significative des prix, réduisent la consommation et donc diminuent durablement le coût du tabac pour la société.
2. Accompagner les fumeurs dans l’arrêt du tabac et assurer une prise en charge des traitements. Actuellement, seulement 20% des fumeurs font au moins une tentative d’arrêt par an dans le pays.
3. Interdire complètement la publicité en faveur du tabac et de la nicotine et introduire le paquet neutre: L’industrie du tabac en Allemagne investit plus de 200 millions d’euros par an dans des campagnes de marketing, principalement dans la publicité de ses produits.
4. Réduire considérablement l’accessibilité des produits du tabac et de la nicotine: Il existe environ 390 000 points de vente de produits du tabac en Allemagne : supermarchés, stations-service, kiosques, pharmacies, papeteries, distributeurs automatiques et magasins spécialisés.
5. Protéger efficacement contre le tabagisme passif et créer des espaces publics sans tabac : Seuls trois États fédéraux (la Bavière, la Rhénanie du Nord-Westphalie et la Sarre) ont des législations complètes pour protéger d’une exposition au tabagisme passif. Dans la plupart des Land, les fumoirs sont autorisés sur les lieux de travail et l’on peut fumer sur les aires de jeux des enfants.
6. Veiller au respect des droits des enfants en ce qui concerne le tabac et améliorer la protection des mineurs : L’âge minimum d’achat pour les produits du tabac et de la nicotine devrait être porté à 21 ans. Des études montrent que retarder l’accès légal réduit la prévalence du tabagisme chez les adolescents et les jeunes adultes.
7. Mener des campagnes régulières de sensibilisation aux risques de la consommation du tabac : Les campagnes devraient non seulement se concentrer sur la présentation des dangers du tabac, mais aussi sur celle des stratégies des fabricants de tabac. Ceci contribuerait à la dénormalisation de la consommation de ces produits et de son industrie. Actuellement le budget pour les campagnes de communication, avec 2,9 millions d’euros par an de fonds public, est insuffisant.
8. Soutenir à la fois les initiatives de lutte antitabac et les alternatives à la culture du tabac dans le cadre de la coopération au développement.
9. Protéger efficacement les décisions politiques de l’influence des fabricants de tabac et de leurs alliés : Le lobby de l’industrie du tabac est notamment très puissant en Allemagne et influence grandement les décisions publiques. En témoigne la récente loi sur la fiscalité du tabac dont les mesures sont favorables à cette industrie.
10. Réviser, adapter et développer régulièrement les mesures de lutte antitabac: Un suivi et une évaluation régulière des mesures mises en œuvre sont essentiels pour les adapter, les renforcer si besoin.

Allemagne sans tabac, sans nicotine d’ici 2040 : une contribution importante aux ODD

En 2015, les membres des Nations Unies ont adopté le programme de développement durable à l’horizon 2030, intitulé Agenda 2030. En matière de politique de santé, le troisième objectif, ODD 3 : Santé et bien-être, est précurseur. Il vise entre autres à mieux prévenir la propagation des maladies non transmissibles (MNT) telles que les maladies cardiovasculaires, les maladies pulmonaires et les cancers. Étant donné que le tabagisme est le facteur de risque le plus important pour ces maladies, la réduction de la consommation de tabac contribue de manière significative à la réalisation de l’ODD 3. Dans cet objectif, la mise en œuvre de la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT) est désignée comme l’instrument le plus important.

L’Allemagne est également l’un des plus grands exportateurs mondiaux de cigarettes et importe chaque année environ 150 000 tonnes de tabac brut des pays producteurs du tabac. Dans ces pays, la culture et la production de tabac entravent la réalisation d’autres ODD, notamment la lutte contre la pauvreté (Objectif 1) ou la mise en œuvre de conditions de travail décentes (Objectif 8). De plus, l’industrie du tabac crée une empreinte écologique importante et endommage ainsi les écosystèmes (Objectifs 13, 14, 15). Pour atteindre les objectifs de durabilité, la sortie de la culture du tabac et la mise en place de culture de substitution économiquement viables est une étape importante. Elle est en effet susceptible d’assurer pour les personnes actuellement concernées par la culture du tabac de meilleures conditions de vie et de travail.

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Mots clés : Allemagne, Génération Sans tabac, 2040, ODD

©Génération Sans Tabac

AE

[1] Strategie für ein tabakfreies Deutschland 2040, Deutsches Krebsforschungszentrum, DKFZ, 31 mai 2021

[2] Génération Sans Tabac, Atlas 2020 du tabac en Allemagne : situation préoccupante, 23 décembre 2020, consulté le 16 septembre 2021

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