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Alcome : des modifications mineures à l’éco-organisme décrié par la santé publique

Après l’annulation par le Conseil d’Etat en juillet de l’arrêté définissant le cahier des charges d’Alcome, le ministère de l’environnement en a publié une seconde version, apportant des modifications à la marge, bien en deçà des demandes des ONG de lutte contre le tabagisme. L’enjeu de fond de l’éco-organisme demeure inchangé, puisqu’Alcome est toujours directement lié à l’industrie du tabac, et revêt toujours le risque d’être mobilisé comme un outil de renormalisation et de responsabilité sociale par les fabricants.

Alcome est l’éco-organisme en charge de la responsabilité élargie des producteurs dans le domaine des produits du tabac pour la réduction de l’impact du plastique sur l’environnement. En juillet 2022, le Conseil d’Etat avait pris la décision d’annuler l’arrêté du 5 février 2021 qui fixait le cahier des charges de l’éco-organisme, suite à deux recours en excès de pouvoir, intentés par la Fédération des Fabricants de Cigares, au motif que cet arrêté n’avait pas fait l’objet d’une consultation. Cet organisme, agréé par le ministère de l’environnement, est une émanation de l’industrie du tabac et de la Confédération des buralistes.

Quelques modifications qui ne modifient pas la nature d’Alcome

Le nouvel arrêté intègre quelques modifications à la marge, qui ne changent toutefois pas la nature de la problématique, telle que présentée par les acteurs de santé publique. Ainsi, la réécriture de l’arrêté impose désormais qu’un avertissement sanitaire soit intégré aux supports de communication, et prévoit la mise en place d’une campagne de sensibilisation sur les risques d’incendie des mégots. Par ailleurs, Alcome a l’obligation de publier la liste des personnes avec lesquelles l’éco-organisme « entretient une relation contractuelle ».  Désormais, l’éco-organisme doit également mettre en œuvre les actions nécessaires afin que le nombre de collectivités et leurs groupements ayant contractualisé avec lui représente au moins 50 % de la population nationale au 31 décembre 2023, 75 % au 31 décembre 2024 et 90 % au 31 décembre 2025. Enfin, la méthodologie de l’évaluation du nombre de mégots jetés dans l’espace public doit être réalisé avec l’ADEME[1].

Un mélange des genres contraire aux obligations de la France

La rédaction de ce nouvel arrêté laisse toutefois de côté un certain nombre de points soulevés par les ONG de lutte contre le tabagisme, à l’instar du Comité national contre le tabagisme (CNCT). Ainsi, le ministère de l’environnement n’a par exemple pas jugé opportun de revenir sur la distribution gratuite de cendriers de poche, quand la littérature scientifique tend à démontrer le caractère contreproductif d’une telle mesure. De la même manière, la proposition que ces cendriers de poche soient a minima neutres n’a pas été retenue.

Plus essentiellement, ce nouvel arrêté pose trois problèmes essentiels du point de vue de la santé publique. D’abord, cet éco-organisme demeure une émanation des fabricants de tabac, en dépit de la réglementation française et des engagements internationaux : le Code de la Santé publique comme la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT) interdisent les actions de responsabilité sociale des entreprises de la part de l’industrie du tabac. Ensuite, alors que la mise en place de cet éco-organisme est motivé par un impératif de Responsabilité élargie du producteur (REP), sur le principe du pollueur-payeur, l’éco-organisme élude toujours la responsabilité des fabricants dans la pollution environnementale des mégots. De cette façon, le nouvel arrêté ne contraint pas Alcome à la mise en place de mesures visant à réduire la production de ces déchets, et exclut de son champ d’action un certain nombre de dispositions démontrées comme efficaces, comme la multiplication des espaces sans tabac. Enfin, la proximité de l’éco-organisme avec l’industrie du tabac soulève un risque de renormalisation de l’industrie du tabac, auprès de la population comme auprès des pouvoirs publics. Une telle immixtion est d’ailleurs également contraire à l’article 5.3 de la CCLAT, qui contraint la France à garantir l’indépendance des politiques publiques à l’égard de l’influence de l’industrie du tabac.

©Génération Sans Tabac

FT


[1] Legifrance, Arrêté du 23 novembre 2022 portant cahiers des charges des éco-organismes et des systèmes individuels de la filière à responsabilité élargie du producteur des produits du tabac, 13/11/2022, (consulté le 19/12/2022)

Comité national contre le tabagisme |

Publié le 21 décembre 2022