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L’Afrique du sud s’apprête à réglementer le tabac et les cigarettes électroniques, malgré les pressions de l’industrie

En Afrique du Sud, la loi, en passe d’être adoptée, prévoit un renforcement sensible des espaces sans tabac et des sanctions en cas d’infraction. Parmi les autres mesures de cette loi, la vente de tabac aux mineurs sera davantage réprimée, les étals de tabac supprimés, les emballages standardisés et toute forme de publicité sera interdite. La législation des cigarettes électroniques est en grande partie alignée sur celle des produits du tabac et l’augmentation de leur taxation est programmée.

Présentée au parlement sud-africain le 9 décembre 2022, la loi sur le contrôle des produits du tabac et des systèmes de délivrance électronique[1] est en cours d’étude par l’Assemblée nationale et devrait être prochainement adoptée. En préparation depuis 2018 et repoussée en 2020, cette loi prévoit de nombreuses dispositions, applicables tant aux produits du tabac traditionnels, qu’au tabac chauffé et aux cigarettes électroniques. Il s’agit d’une première en matière de cigarettes électroniques, ces produits n’étant jusqu’ici que très peu régulés dans ce pays.

Durcissement des règles et des sanctions sur la consommation et la vente de tabac

La nouvelle loi étend significativement l’interdiction de fumer dans les lieux clos publics, ainsi que dans les espaces extérieurs. A cet effet, les employeurs sont tout particulièrement sommés de garantir des lieux de travail sans tabac, y compris pour l’emploi à domicile. Les salariés pourront opposer une sorte de droit de retrait s’ils sont confrontés au tabagisme passif sur leur lieu de travail. Fumer dans un véhicule ou un lieu privé devient également interdit lorsqu’un enfant ou un non-fumeur s’y trouve. Les sanctions sont renforcées en cas d’infraction à ces interdictions, allant d’une amende à trois mois de prison pour les fumeurs et jusqu’à dix ans de prison pour les employeurs[2].

En matière de vente, les sanctions sont elles aussi durcies, pouvant aller jusqu’à vingt ans de prison en cas de vente de tabac aux mineurs. Les étals des produits du tabac, du vapotage ou du tabac chauffé seront désormais interdits dans les lieux de vente. La vente comme l’achat de produits du tabac et du vapotage par voie postale, sur Internet ou par d’autres voies électroniques (réseaux sociaux ou autres) deviennent interdits. Un emballage neutre standardisé devrait être prochainement proposé pour les produits du tabac traditionnels, cette disposition pouvant ensuite être appliquée aux produits de vapotage et de tabac chauffé. Les avertissements sanitaires sont redéfinis et devront couvrir 65 % de la surface des emballages. Aucune forme de publicité n’est tolérée pour les produits du tabac et du vapotage, les anciennes exceptions (médias, parrainage) étant supprimées. Enfin, les confiseries ressemblant aux produits du tabac sont désormais interdites, leur influence en termes de marketing dirigé vers les enfants ayant déjà été dénoncé.

L’industrie du vapotage demande un délai du projet de taxation

En parallèle de cette loi, dont la particularité est d’offrir un cadre régulé aux cigarettes électroniques, un projet de révision de diverses taxes propose d’introduire des droits d’accises pour ces produits de la nicotine. Une taxe est donc prévue sur les e-liquides, en fonction du volume de produit et de la concentration de nicotine. Cette nouvelle taxe, qui devait être appliquée au 1er janvier 2023, ne devrait finalement entrer en vigueur qu’au 1er juin 2023, afin de laisser au South African Revenue Service (SARS) et aux vendeurs le temps d’ajuster leur système de tarification. Un système de traçage des produits pour cigarettes électroniques est par ailleurs envisagé afin de parer aux circuits de contrebande de ces produits.

Par la voie des parlementaires qui leur sont acquis et des médias, les industriels du tabac et du vapotage ont plaidé une prolongation de ce délai sur un an, jusqu’au 1er janvier 2024, au motif que cette augmentation pourrait favoriser le marché noir[3]. L’autre argument avancé, notamment par les groupes de vapoteurs qui relaient les messages des industriels, est que les cigarettes électroniques devraient bénéficier d’une fiscalité allégée étant donné qu’elles permettraient de « sauver » la vie des fumeurs ayant cessé de fumer par ce moyen. Le leader de « Vaping saved my life », une organisation membre de la World Vapers’ Alliance (WVA, financée par British American Tobacco[4]) reprend ici la rhétorique des cigarettiers selon laquelle restreindre l’accès aux cigarettes électroniques serait une atteinte aux droits humains[5].

Les autorités sud-africaines ont pour l’instant refusé d’étendre ce délai, et ont balayé l’argument de la réduction des risques en faisant valoir que les cigarettes électroniques ne sont pas sans danger, que leurs effets à long terme sont encore inconnus, que leur aide dans le sevrage tabagique reste à démontrer et qu’aucune d’entre elles n’a été enregistrée comme traitement de substitution[6]. Les autorités ont au contraire réaffirmé les orientations de l’Organisation Mondiale de la Santé (Oms), et opté pour une stratégie d’aide aux fumeurs plus éprouvée, alliant traitements de substitution nicotiniques (TSN) et consultations de tabacologie. L’Afrique du Sud, qui fut, ces dernières années, soumise à d’intenses pressions de la part des industries du tabac et du vapotage, semble donc reprendre énergiquement la lutte contre le tabagisme.

Pour en savoir plus sur les interférences de l’industrie du tabac en Afrique du Sud, consultez notre décryptage.

Mots-clés : Afrique du sud, réglementation, vapotage, taxation, droits humains

©Génération Sans Tabac

MF


[1] Tobacco products and electronic delivery systems control bill, Parliament of the Republic of South Africa.

[2] New smoking laws for South Africa are coming – you’ll soon be fined or jailed for smoking in these areas, BusinessTech, publié le 13 décembre 2022, consulté le 21 février 2023.

[3] Kahn T, Vaping industry urges Treasury to delay excise tax on its products, BusinessDay, publié le 20 février 2023, consulté le 21 février 2023.

[4] World Vapers’ Alliance, Tobacco Tactics, publié le 4 novembre 2022, consulté le 21 février 2023.

[5] Yeo K, The tobacco bill violates human rights, Mail&Guardian, publié le 28 janvier 2023, consulté le 21 février 2023.

[6] Final Response Document on the 2022 Draft Rates and Monetary Amounts and Amendment of Revenue Laws Bill, 2022 Draft Taxation Laws Amendment Bill and 2022 Draft Tax Administration Laws Amendment Bill, National Treasury/SARS.

Comité national contre le tabagisme |

Publié le 26 février 2023