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L’abandon du plastique jetable devrait conduire l’Angleterre à interdire les filtres des cigarettes

Après l’adoption du UK Environment Act, une consultation de douze semaines devrait aboutir à l’interdiction des filtres sur les cigarettes. En parallèle, une étude californienne se penche sur l’influence de la présence du filtre sur le comportement des fumeurs.

En écho à une directive de l’Union Européenne publiée en juin 2019[1] et au terme de deux ans d’élaboration, le UK Environment Act a été promulgué le 9 novembre 2021 en vue de réduire significativement la part des plastiques dans les déchets, avec une priorité  portée sur les produits à usage unique[2]. Parmi ces produits, on compte les pailles et les gobelets en plastique, les cotons-tiges, les lingettes, ainsi que les filtres de  produits du tabac. Les filtres de cigarettes, notamment, sont en effet composés d’acétate de cellulose, une forme de plastique dont la dégradation prend jusqu’à onze ans et qui s’ajoute aux émissions toxiques de nicotine et de métaux lourds libérées par les mégots.

Les filtres de cigarettes, une source importante de pollution

L’idée de supprimer les filtres des cigarettes a été évoquée depuis quelques années comme une piste pour réduire les conséquences environnementales des mégots, qui constituent l’un des principaux déchets rejetés dans la nature, ainsi que pour dissuader l’usage de tabac.

Autour du UK Environment Act, un cycle de consultations de douze semaines vient d’être engagé afin de recueillir les avis de différentes parties, et devrait inclure les fumeurs et les industriels du tabac[3]. Ces derniers seront en effet bientôt contraints de mettre en circulation des cigarettes dépourvues de filtre, dont ils devraient répercuter les coûts sous la forme d’une nouvelle hausse du prix du tabac pour les consommateurs. L’hypothèse de filtres biodégradables, soutenue par les industriels, n’a à ce jour pas été retenue. En se dotant de la législation la plus exigeante au monde en matière d’environnement, l’Angleterre est aussi la première nation à engager un processus d’interdiction des filtres de cigarettes.

Une étude relativise l’intérêt des filtres pour les fumeurs

La présence de ces filtres sur le comportement des fumeurs est l’une des autres questions récurrentes, à laquelle a tenté de répondre une équipe de chercheurs californiens. À l’aide d’essais croisés randomisés, ces chercheurs ont proposé à des fumeurs de recevoir alternativement des cigarettes avec ou sans filtre durant deux semaines, sur une période de neuf semaines[4]. Quatre types de mesures étaient réalisés à plusieurs reprises au cours de cette période afin d’évaluer la dépendance nicotinique, le comportement tabagique, les teneurs en biomarqueurs (nicotinine/créatinine) et l’intention d’arrêt du tabagisme.

Les résultats indiquent que les cigarettes avec filtre sont perçues plus positivement par les fumeurs pour leur goût estimé plus savoureux, moins âcre et plus satisfaisant que celui des cigarettes sans filtre ; ces dernières sont aussi considérées comme étant plus fortes en nicotine et plus dissuasives. L’analyse du nombre de cigarettes fumées indique une plus forte consommation de cigarettes avec filtre. Les marqueurs biologiques sont quasiment identiques selon le type de cigarettes fumées, ce qui laisse supposer que la présence d’un filtre n’a que peu d’influence sur les teneurs en nicotine et en goudrons aspirées par les fumeurs. La présence ou non d’un filtre n’influait en revanche pas sur l’intention d’arrêt du tabagisme.

Les chercheurs ont déduit de cette étude que la présence d’un filtre sur les cigarettes a pour effet d’attribuer à celles-ci des sensations plus satisfaisantes et une image plus positive qui contribueraient à renforcer la dépendance tabagique des fumeurs et à considérer les cigarettes avec filtre comme moins nocives, tout en incitant à fumer davantage. Ils penchent donc en faveur des mesures d’interdiction des filtres sur les cigarettes aux motifs de la protection de l’environnement et d’une perception moins positive des cigarettes, en attendant des études plus conséquentes et plus longues pour mieux évaluer l’influence sur l’intention d’arrêt du tabagisme.

Les filtres, une invention de l’industrie du tabac

Cette étude a, entre autres l’intérêt, de souligner que les filtres de cigarettes ne sont pas efficaces et qu’ils sont surtout conçus pour réduire les sensations désagréables provoquées chez les fumeurs par la fumée de tabac. Inaugurés par les industriels dans les années 1950, les filtres de cigarettes en acétate de cellulose ont été apposés pour masquer les sensations désagréables du tabagisme afin de conquérir les marchés des femmes et des jeunes[5]. Il s’agissait d’une promesse de réduction des risques, qui prétendait répondre à des préoccupations de santé et s’est rapidement révélée fausse avec pour seul but de suggérer qu’il puisse exister des formes moins nocives de tabagisme. Restituer aux cigarettes tous leurs inconvénients sensoriels est ainsi une des pistes envisagées pour dissuader les fumeurs et rendre les mégots moins polluants.

Mots-clés : mégots, filtre, étude, environnement, Angleterre, Royaume-Uni

©Génération Sans Tabac

MF


[1] Directive (ue) 2019/904 du parlement européen et du conseil du 5 juin 2019 relative à la réduction de l’incidence de certains produits en plastique sur l’environnement

[2] Plans unveiled to ban single-use plastics, Department for Environment, Food and Rural Affairs, publié le 20 novembre 2021, consulté le 23 novembre 2021.

[3] Cooke M, Smokers warned of major new change with ban on cigarette filters, Express, publié le 20 novembre 2021, consulté le 23 novembre 2021.

[4] Pulvers K, Tracy L, Novotny TE, Satybaldiyeva  N, Hunn A, Romero DR, Dodder NG, Magraner J, Oren E, Switching people who smoke to unfiltered cigarettes: perceptions, addiction and behavioural effects in a cross-over randomised controlled trial, Tob Control 2021;0:1–4.

[5] Faut-il interdire les filtres dans les cigarettes ?, Génération Sans Tabac, publié le 27 avril 2021, consulté le 23 novembre 2021.

Comité National Contre le Tabagisme |

Publié le 25 novembre 2021