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129 organisations appellent l’Espagne à ne pas devenir un « Etat trafiquant de tabac »

129 organisations de 42 pays européens ont envoyé une lettre au Président de l’Espagne dans l’objectif de revenir sur la décision d’implanter 203 nouveaux bureaux de tabac en Espagne, dont une partie sera concentrée à la frontière franco-espagnole. Les signataires dénoncent l’objectif d’une telle mesure de faire de l’Espagne un « Etat trafiquant de tabac », et d’aller à l’encontre des engagements du pays, notamment en matière de santé publique.

En juin 2022, le ministère espagnol des Finances a indiqué que plus de 200 nouvelles licences de vente de tabac au détail s’ajouteront aux 13 000 déjà existantes[1]. Une partie d’entre elles visent à capter les consommateurs frontaliers français, puisque 30 nouveaux bureaux de tabac seront placés le long de la frontière franco-espagnole[2].

Un niveau de concentration de débitants de tabac déjà trop élevée

En Espagne, la concentration moyenne de buralistes est d’environ 3,4 débits de tabac pour 10 000 habitants. Dans les zones frontalières à la France, cette concentration atteint 50 buralistes pour 10 000 habitants, soit plus de 14 fois supérieure à la moyenne nationale. Comme le signalent les auteurs de la lettre, cette mesure conduirait à la création de bureaux de tabac à moins de 25 mètres d’autres débits ou même d’écoles, alors que la distance minimale imposée en Espagne est de 150 mètres.

Capter les recettes fiscales et les consommateurs français

L’objectif recherché par cette mesure est d’essayer de capter une partie de la consommation frontalière française : en France, la plupart des paquets de cigarettes sont au-dessus de dix euros, contre moins de cinq en Espagne. Si la hausse des prix significative et régulière du prix du tabac est le levier le plus efficace et le plus rentable pour réduire la consommation de tabac, l’annonce du ministère des Finances devrait conduire à favoriser le commerce transfrontalier de tabac, ainsi que la contrebande. Pour cette raison, les signataires de la lettre dénoncent la volonté de l’Espagne de devenir un « Etat trafiquant de tabac ». L’implantation de nombreux nouveaux débits réduirait ainsi une partie de l’efficacité des mesures de santé publique menées en France, en facilitant l’accès à des produits du tabac bon marché, tout en pénalisant les recettes fiscales de la France. Cette décision apparaît ainsi doublement déloyale, puisqu’elle permet à l’Espagne d’encourager le tabagisme dans les régions frontalières françaises, sans en supporter le coût financier en matière de santé publique.

Une décision contraire à de nombreux engagements de l’Espagne

Comme le rappelle la lettre, ces 203 nouveaux débits de tabac auront également des conséquences sanitaires pour les Espagnols, alors que le droit à la protection de la santé des citoyens est reconnu par l’article 43 de la constitution hispanique. Il est en effet démontré que l’augmentation du nombre de débits de tabac conduit à favoriser et à normaliser le tabagisme. Une telle décision est par ailleurs contraire aux engagements nationaux, européens et internationaux pris par l’Espagne, à l’instar de la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT), les Objectifs de Développement Durable de l’ONU (ODD), ou encore le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

L’impératif fiscal de l’Espagne conciliable aux intérêts de la santé publique

Les 129 signataires de la lettre ouverte regrettent de constater que le gouvernement espagnol se soit « plié aux intérêts de l’industrie du tabac » et invitent ce dernier à revenir sur sa décision, ainsi qu’à engager une suppression progressive des points de vente de produits du tabac. Intégrant la nécessité pour l’Espagne de générer de nouvelles rentrées fiscales, les auteurs de la lettre appellent également les pouvoirs publics espagnols à mettre en place une forte politique fiscale sur l’ensemble des produits du tabac et de la nicotine, dans un objectif d’harmonisation avec la France. Enfin, les différentes organisations européennes recommandent au gouvernement espagnol de lancer le Plan global de lutte contre le tabagisme (2021-2025), dans l’optique d’une prochaine génération sans tabac.

Mots-clés : Espagne, Buralistes

©Génération Sans Tabac

FT


[1] Comité national contre le tabagisme (CNCT), Le CNCT et 127 organisations internationales dénoncent l’ouverture de 200 débits de tabac en Espagne, 08/09/2022, (consulté le 12/09/2022)

[2] Tobacco Control,129 organizations send letter to Spanish President denouncing Spain’s intention to become a “tobacco dealer state” along French Border, 09/11/2022, (consulté le 12/09/2022)

Comité national contre le tabagisme |

Publié le 13 septembre 2022